C'est l'hiver en 1937-38, à 7h30 du matin, il fait une belle journée de janvier avec, au thermomètre, -30° farenheit. C'est lundi, ce qui veut dire journée de marché pour la famille Nichols.
Les veufs, la crème, le beurre et souvent quelques poulets (déjà préparés pour aller au four), sont emballées, prêts à partir pour Sherbrooke, où ils seront livrés aux clients du Marché du Vieux Nord.
La première chose à faire après ces préparatifs, est de prendre un contenant de 18" de diamètre par 4-5" de haut, et de l'emporter dans la salle à manger où est le vieux poêle à bois. Le feu y est allumé depuis 5h du matin et une bonne braise est déjà prête. On plaçait cette braise dans le contenant qu'on transportait au garage (avec des bonnes pinces) pour réchauffer l'huile du moteur de l'auto. On mettait ce contenant sous le réservoir d'huile.
Après le déjeuner, ma mère et mon père s'en allaient dans le garage pour préparer l'automobile. Mon père ajustait le démarreur et les bougies pendant que ma mère s'asseyait à la place du conducteur. Mon père tentait alors de faire démarrer l'engin qui, datant de 1929, démarrait en tournant la manivelle qui se trouvait à l'avant du véhicule. La plupart du temps, l'auto démarrait et là , c'était à ma mère de voir à ce que le moteur ne cale pas. Il arrivait parfois qu'on doive utiliser les chevaux afin qu'ils tirent l'auto pour la faire démarrer à la compression. Cette méthode fonctionnait bien. Nous devions par la suite mettre de l'eau chaude dans le radiateur. L'antigel n'existait pas à l'époque... Une fois que la voiture était bien pleine des victuailles, nous filions à travers champs vers le haut de la côte Libby pendant environ '/4 de mille. La neige était beaucoup moins abondante dans le champs de la côte, le vent la chassant au fur et à mesure. Les routes ne furent entretenues qu'à partir des années 40. Rendus en haut de la côte, nous rejoignions la route. Cette dernière était protégée par des bancs de neige de 8 pieds de hauteur qui étaient formés par des bourrasques de vent. Ensuite, la route suivait la rivière et était donc protégée des intempéries. De plus, plus on approchaient de la ville, plus il y avait de trafic, ce qui gardait la route praticable.
Il arrivait qu'on reste pris dans la neige. Les chaînes étaient là pour nous dépanner. Ces chaînes étaient vieilles, toutes rouillées, comme tout ce que nous utilisions à cette époque qui suivait la grande dépression. Par contre, l'entraide était omniprésente. La plupart du temps, dès qu'un fermier s'apercevait que quelqu'un était mal pris, il venait à sa rescousse.
Après la livraison à la ville, nous retournions au marché où la viande était vendue et nous en profitions pour rencontrer notre famille et nos amis qui y vendaient aussi leurs produits. Sur le chemin du retour, en passant à Huntingville, nous y laissions des denrées. Arrivés à la côte Libbey, nous devions descendre de l'auto et monter la côte à pieds. Nous devions faire tirer la voiture par les chevaux, jusqu'à la maison.
Une autre journée de marché était derrière nous.